L’environnement enrichi est un concept décrit depuis plus de 70 ans, mais c’est avant tout un outil de recherches. Une Synthèse sur l’environnement enrichi permet d’en offrir un aperçu. Nous nous sommes efforcés de le valoriser dans une démarche de recherche translationnelle.
Résumé des recherches sur l’environnement enrichi
C’est en s’inspirant et s’adossant à la multitude des travaux de recherche qui ont été mis en œuvre autour de la notion d’enrichissement de l’environnement – baptisé dès les années 60 – environnement enrichi ou (car les travaux fondateurs ont été conduits par des anglo-saxons).
Les premières publications sur le sujet pourraient sans équivoque être attribuées à Donald O. Hebb. Donald Hebb est un psychologue et neuropsychologue canadien qui a travaillé notamment dans les sciences cognitives en fournissant conception biologique de la psychologie. Une conception qu’il développe dans son livre « The Organization of Behaviour : A Neuropsychological Theory » qui sera publié en 1949.
Synthèse sur l’environnement enrichi: Les travaux de D. Hebb
L’innovation des travaux de D.Hebb est double, d’une part il porte une évaluation sur l’impact de l’environnement sur le comportement, d’autre part, il met en évidence l’impact de cet environnement sur les capacités cognitives d’une population de souris.
Hebb est l’auteur de multiples expériences qu’il a conduites et qui permettent de le placer comme une référence dans les neurosciences cognitives et l’intelligence artificielle. Il démontre en 1947 que des souris élevées comme des animaux domestiques résolvent mieux les problèmes et les exercices qui leurs sont soumis qu’un autre groupe de souris élevé en cage. Il souligne en particulier l’impact d’un environnement favorable pendant les 3 premières semaines de vie des souris sur leur comportement à l’âge adulte. Ses travaux déclinés dans de nombreuses situations se focalisent essentiellement sur une analyse observationnelle. En neuropsychologue, Hebb se passionna pour la compréhension de la réaction comportementale d’un animal soumis à des environnements plus ou moins stimulants.
Chez les rongeurs, l’exercice physique volontaire en roue d’activité a des effets bénéfiques sur la neurogénèse adulte hippocampique. En effet, des souris ayant accès à une roue d’activité montrent une augmentation de la prolifération cellulaire, de la survie neuronale et une accélération de la maturation neuronale, via une augmentation du nombre d’épines dendritiques.
L’enrichissement signifiant suivant les protocoles, la vie en collectivité avec d’autres congénères, une stimulation sensorielle particulière associée à de la lumière, des odeurs… mais aussi des exercices plus ou moins complexes soit pour parvenir à boire ou à s’alimenter.
C’est plus tard et notamment au cours des années 60, avec l’équipe de chercheurs américains composée de Bennett, Diamond, Krech & Rosenzweig, que la notion d’environnement enrichi révèle son potentiel.
Comparant différents types d’environnements, les uns appauvris, les autres enrichis, des expériences répétées ont permis d’établir une véritable correspondance entre l’enrichissement de l’environnement et le volume et l‘épaisseur du cortex cérébral.
Synthèse sur l’environnement enrichi: De nombreuses expériences sur le modèle murin
L’une des expériences phare conduite par l’équipe du laboratoire américain de l’Institut national de Santé mentale (National Institute of Mental Health), comparent une exposition pendant une durée d’un mois d’un groupe de rat à ce qu’ils appellent ECT (Environment complexity & Training) c’est-à-dire un environnement complexe et stimulant, d’un autre groupe de rat placé en IC (Isolated conditions) autrement dit à l’isolement.
Une exposition est programmée par séquence de 30 minutes par jour pour le groupe ECT, dans un espace stimulant les fonctions cognitives dans lequel des croquettes sucrées étaient distribuées à chaque succès dans la résolution d’un problème. La composition de cet espace étant modifié chaque jour. Pendant ce temps, le groupe IC restait dans une cage aux trois côtés fermés et avec un accès non restrictif à la nourriture et à l’eau.
Ce lien établi, a donné l’occasion de la publication d’un article en 1964, intitulé « l’effet d’un environnement enrichi sur l’histologie du cortex cérébral de rats », qui furent après les travaux de Hebb, le point de départ de nombreuses recherches sur le concept d’environnement enrichi – principalement nommé enriched environment, car l’essentiel des travaux et publications qui suivirent furent d’origine anglo-saxone.
Cette observation constitua une forme de révélation car il était acquis jusque-là que le poids et la structure du cerveau étaient stables et insensibles à toute forme d’influence du milieu.
Synthèse sur l’environnement enrichi: des recherches conduites par des neurobiologistes et des sociologues
L’idée que l’environnement puisse avoir un effet sur le comportement ou les capacités cognitives était une donnée globalement acquise… soutenue par les différentes observations faites sur des individus en fonction du milieu dont ils étaient originaires. Cela participait et renforçait les théories associées à l’éducation. Par contre que le cerveau de souris puisse s’accroître et se ramifier en fonction de l’exposition à l’environnement, et qu’il contribue à en modifier la taille et la structure ouvrait un univers de curiosité qui fut ensuite explorées régulièrement par des équipes de neurobiologistes, sociologues dans le monde entier.
Il faut noter qu’à cette époque et pendant les décennies qui suivirent, les expériences furent conduites à quelques rares exceptions près, au niveau animal, principalement avec des rats voire des chimpanzés. Les indications qui permettaient de qualifier un environnement enrichi pour un rat ne laissant par conséquent peu de pistes voire aucun indice sur ce qu’il devrait être, si l’on envisageait une transposition à l’homme.
De nombreux recherches complémentaires furent conduites au cours des décennies qui suivirent afin d’explorer l’impact de cet enrichissement a un effet positif sur les transmissions synaptiques et la neurogénèse. Rarement transféré au niveau de l’humain, cet ensemble d’expériences permirent d’identifier les mécanismes par lesquels l’environnement pouvait avoir un impact sur l’expression des gènes dans le cortex cérébral.
Progressivement, au rythme des travaux conduits par différents laboratoires, se forge une compréhension nouvelle du lien étroit qui se tisse entre le cerveau et l’atmosphère, l’ambiance auquel il est soumis.
Les champs d’investigation s’élargissent. Après avoir été décrit aux Etats-Unis, l’environnement enrichi fait le tour du monde, soumettant des bataillons de souris et de rats à des protocoles variés et vérifiant combien son impact sur le comportement, la mémoire, la cognition, l’appétit, la dépression est significatif :
- Une équipe de chinois démontre que l’hypo-perfusion cérébrale chronique risquant de provoquer des troubles cognitifs par une expression réduite de CREB phosphorylé, est compensée par un EE.
- Puis des japonais confirment que l’EE permet de compenser les déficiences de mémoire de souris avec une mutation PACAP -/-
- Ensuite des indiens soulignent que l’EE permet de réduire le risque de syndrome dépressif chez des souris affectées par des troubles cognitifs et restaure la plasticité synaptique anormale de l’hippocampe.
- Des israéliens de l’Université Ben Gourion démontrent que des souris exposées à un environnement enrichi ont montré un net progrès dans la guérison des lésions cérébrales. Utilisant le test de reconnaissance d’objets nouveaux et d’orientation à l’intérieur de labyrinthes, ils ont tenté de déterminer le niveau de fonctionnement mémoriel et cognitif des souris placées dans des cages standard par rapport à celles se trouvant dans des environnements enrichis – cages plus grandes contenant des stimuli supplémentaires, des roues pour courir, de la nourriture et de l’eau en quantité, un espace ouvert, et des objets à explorer régulièrement changés.
L’environnement enrichi et l’autisme
Sur la base des modèles d’environnement enrichi conçu pour des souris, Cynthia Woo a développé un programme d’études à l’Université de Californie à Irvine, pour envisager des alternatives possibles sur des enfants autistes. Une publication en 2015 a mis en valeur l’intérêt d’une telle approche :
L’environnement enrichi et la maladie d’Alzheimer
Cette notion a été essentiellement étudié sur des rats de laboratoires et des primates et ses mécanismes furent valorisées particulièrement en faveur de l’autisme.
Par la suite, dans les années 2000, N Berardi et L Maffei, mirent en évidence l’impact positif d’un environnement enrichi sur l’évolution de la maladie d’Alzheimer sur une population de rats – et en particulier l’évolution des troubles cognitifs.
Le jardin bénéficiait comme on le décrivait tout à l’heure d’une image positive dont les vertus s’étalaient sur toute la palette des activités humaines. Il a été décliné dans toutes les cultures et civilisations sur l’horizon des rêves. Chaussant ses pieds dans les nuages, l’homme a avancé vers le jardin et l’a conçu à pas feutrés pour lui donner une dimension divine, religieuse, philosophique, politique, sociale, familiale, alimentaire, médicinale.
Assurément, le jardin est un espace idéal pour y projeter les vertus découvertes récemment par ces équipes de chercheurs du monde entier, de l’environnement enrichi. (EE).
Cette transposition vers le jardin s’appuyait sur la convergence vers un lieu culturellement perçu comme un espace bienveillant, de réflexions d’équipes pluridisciplinaires de professionnels de santé pour en envisager l’enrichissement.
Ainsi, la mission thérapeutique du jardin n’était pas parfaitement établie. Les études cliniques que nous avons menées ont démontré que le jardin en lui-même ne suffisait pas à déployer le potentiel de soins attendu, et que pour devenir thérapeutique, il fallait l’enrichir en fonction des cibles et des pathologies prises en charge. Cette quête d’un enrichissement vertueux fut le point de départ des travaux de recherches en collaboration avec des équipes pluridisciplinaires de l’APHP et le Laboratoire d’Education et Pratiques en Santé (LEPS) de l’Université Paris 12.