Jardins enrichis et troubles du comportement
Les troubles du comportement sont des signes ou des symptômes psychologiques et comportementaux. Ils se traduisent par des attitudes inadaptées aux situations ou au contexte. Ils sont observés variablement sur différents types de population en fonction des pathologies.
Les troubles du comportement du sujet âgé
De nombreux travaux et guides de recommandations sur les troubles du comportement chez le sujet âgé et en particulier les personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives font actuellement référence. On notera en particulier :
- HAS – Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des troubles apparentés– Recommandations de bonnes pratiques – décembre 2011
- HAS – Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs- Recommandations de bonnes pratiques – mai 2009
- ANESM – Analyse de la littérature nationale et internationale portant sur l’accueil et l’accompagnement des personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives en PASA et UHR– et en particulier le Chapitre « Troubles du comportement – éléments de cadrage et problématisation
- Cohen-Mansfield J. – Agitated behaviors in the Elderly – Journal of the American Geriatric society – octobre 1986
- Belmin J. – Conséquences d’un changement d’environnement chez les malades déments – l’Encéphale 2006 – 32 Cahier 4
- Pariel S. – Symptômes comportementaux et psychologiques chez les personnes atteintes de troubles cognitifs majeurs – Gériatrie pour le praticien – chap. II-17 – Elsevier – octobre 2018
Les troubles du comportement se caractérisent principalement par deux formes de manifestation:
– forme négative ou déficitaire : le sujet se place en retrait – apathie, adynamie, anxiété voire dépression – également appelés troubles psychologiques
– forme positive ou productive : le sujet devient perturbateur pour son environnement – agitation, agressivité, idées délirantes, cris, déambulation – également appelés troubles psychotiques
Ces deux formes de troubles du comportement sont évaluées sur des échelles reconnues telles que le NPI (NeuroPsychiatric Inventory) ou Cohen-Mansfield (état d’agitation). Ils en mesurent/
- la fréquence (d’une fois par semaine à tous les jours, voire tout le temps),
- la gravité (de peu perturbant à très perturbant pour le patient)
- et le retentissement sur les activités des soignants ( de pas du tout à très sévère).
Nos travaux sur l’enrichissement du jardin se sont portés en particulier sur la médiation de:
Les troubles anxieux
Au sein d’un EHPAD, on identifie fréquemment de nombreuses personnes sujettes à des troubles anxieux, caractérisés par:
- un isolement,
- une opposition aux soins,
- des troubles de l’appétit,
- une demande d’attention supplémentaire
- aphasie
- apraxie
En situation de crise l’anxiété évolue vers des séquences d’agitation, d’agressivité voire de pleurs et de cris.
Les troubles anxieux s’évaluent en fonction du nombre, de l’intensité et de la durée des symptômes. Ils se traduisent aussi par une souffrance émotionnelle ou un retentissement marqué sur la vie du résident, des soignants, mais aussi des autres résidents à proximité. Un des objectifs important associé à la prise en charges des troubles anxieux, consiste en l’amélioration du diagnostic des symptômes cliniques et de leur origine afin de proposer une réduction de la prescription de psychotropes.
Il convient dans un premier temps de poser un diagnostic précis sur les sujets anxieux , et d’organiser une prise en charge par le jardin dans la mesure où celui-ci a été enrichi en correspondance avec l’anxiété. Sachant que la comorbidité des troubles anxieux est généralement associée à un état dépressif, des détériorations cognitives et des affections somatiques – notamment pour les cas d’épisodes dépressifs majeurs (EDM).
Jardins enrichis et troubles du comportement: La plainte anxieuse
Compte tenu de l’enjeu pour la santé, la plainte anxieuse et les symptômes somatiques nécessitent bien souvent une prise en charge prioritaires par les soignants des personnes concernées. Cette prise en charge conduit à une mobilisation importante des soignants sur des séquences individuelles qui se fait au détriment des autres résidents pour des soins:
- individuels
- différés
- négociés
Une adaptation du programme de soins de l’établissement en valorisant un jardin enrichi, peut donc présenter des retentissements multiples:
- réduction des troubles anxieux et bien-être des résidents concernés
- moins de perturbation pour les résidents à proximité et les soignants
- davantage de disponibilité pour les soignants en faveur des résidents
Nous avons actuellement élaboré un profil type de l’enrichissement d’un jardin thérapeutique à l’attention des sujets anxieux et envisageons une série d’études afin d’en optimiser le protocole de fréquentation.
Jardins enrichis et troubles du comportement: L’agitation et l’agressivité
Le Pr J. Cohen-Mansfield a validé une échelle d’évaluation de l’agitation du sujet âgé qui permet d’évaluer un patient sur une durée déterminée pour apprécier la pertinence de la mise en place d’un traitement ou de mesures adaptées à ses troubles du comportement.
Il a été suggéré que les comportements inappropriés reflétaient une défaillance de l’environnement à satisfaire les attentes du patient. Cette suggestion trouve également une résonance dans les études menées sur l’environnement appauvri. Et le jardin en cela peut constituer un espace de compensation à ces défaillances de l’environnement intérieur. Encore faut il que ce jardin dispose des aménagements requis.
En 2008, M Detweiler publie dans l’American Journal of Alzheimer’s Disease & Other Dementias les résultats d’une étude sur l’impact de la fréquentation d’un jardin sur les troubles du comportement. Il évalue sur l’index d’agitation de Cohen Mansfield, et les conclusions donnent un signal encourageant en faveur de la réduction de ces troubles. Préalablement, Cohen-Mansfield avait mené une enquête auprès des directeurs de 320 établissements gériatriques aux Etats Unis.
Une enquête publiée dans Alzheimer Disease and Associated Disorders
Cette enquête publiée en 1999 dans le journal Alzheimer Disease and Associated Disorders, soulignait parmi les facteurs facilitant l’apparition des troubles d’agitation: la possibilité d’avoir ou non un accès libre au jardin. Bien souvent, les portes verrouillées pour des motifs de sécurité se révèlent être un facteur aggravant. Par ailleurs c’est une des rares enquêtes, qui s’est efforcée de recenser les aménagements présents dans le jardin.
Il n’y apparait pas la notion de jardin enrichi, et les observations se concentrent sur la dimension paysagère du jardin (arbres , massifs ornementaux, bassins…).
Les études cliniques préliminaires que nous avons conduites ont démontré l’intérêt d’un enrichissement spécifique du jardin. Ceci afin d’obtenir dans la durée une réduction significative de la fréquence et du retentissement de l’agitation et de l’agressivité. Nos efforts convergent vers la définition détaillée de chacun des éléments susceptibles de former efficacement un jardin thérapeutique capable de les prendre en charge et d’en réduire les manifestations.