Jardin thérapeutique enrichi ou sensoriel

L’appellation d’un jardin implanté en milieu médico-social est source d’une grande diversité. Jardin de bien-être, jardin sensoriel ou jardin enrichi. Chacun de ces termes traduit une intention qu’il importe de préciser

La perception sensorielle est le mécanisme par lequel nous acquérons une perception immédiate de notre environnement. Nos sens nous livrent ainsi des informations directes par la combinaison de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût et du toucher. C’est ainsi que s’établit une connexion entre un environnement physique et les sensations qu’il produit. Aux 5 sens s’ajoutent, les perceptions indirectes de l’équilibre (vestibulaire), de l’espace et du temps.

Stimulation sensorielle et santé

Il est couramment admis que la stimulation sensorielle constituent des vecteurs thérapeutiques, ce qui a encouragé  le développement d’espaces multi-sensoriels tels que les « espaces Snoezelen ». Ce concept très largement répandu, n’est cependant pas fondé sur une démonstration scientifique solide.

Ainsi l’étude menée par Klages and al en 2011 au Canada, ne parvient pas à faire émerger un effet significatif de l’utilisation d’une salle Snoezelen, dans le cadre d’une étude randomisée contrôlée sur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.Le niveau de preuve associé et la qualité des études scorées sur la grille MMAT sont souvent assez bas.

L’ensemble des publications disponibles évaluant l’efficacité d’une salle multi-sensorielle convergent vers les mêmes conclusions : une stimulation sensorielle bien adaptée peut produire une sensation de bien-être sans pour autant démontrer une efficacité thérapeutique sur un patient atteint d’une pathologie chronique.

Ces observations corroborent les études initiées par D. Hebb sur l’environnement appauvri: le cadre général, l’architecture, l’environnement offerts aux résidents d’une institution telle qu’un EHPAD privent au quotidien le résident d’une stimulation sensorielle. La présence souvent trop prégnante des marqueurs hospitaliers peuvent suggérer la comparaison avec une vie dans un environnement appauvri.

Il est alors concevable de suggérer qu’une stimulation sensorielle, telle que celle que peut offrir un jardin sensoriel ou une salle Snoezelen, constitue non pas une thérapie mais un effort de restauration des conditions normales de vie.

Les études nombreuses de l’impact de l’environnement sensoriel construit (« built environment »)  permettent de confirmer cette conclusion et doivent encourager les architectes programmistes qui développent des projets d’EHPAD à restaurer dans les espaces une sensorialité constante

Jardin sensoriel

Inversement, il convient d’encourager la fréquentation d’un jardin, qui par essence porte cette dimension sensorielle. De plus, comme il a été observé, l’amplification de la stimulation sensorielle est recommandée pour permettre à des personnes souffrant de déficiences de perception, d’entrée en lien avec l’espace.

C’est cette perception sensorielle adaptée qui sans être thérapeutique favorisera l’appropriation du jardin par le patient.
Le jardin sensoriel ne porte sans doute pas de vertus thérapeutiques, mais il permet pour des résidents vivant dans un environnement souvent comparables à un environnement appauvri, du fait de la forte présence de marqueur hospitalier de restaurer des conditions normales et acceptables dont ils ont été privés.

Nos travaux de recherche 2020 prévoit notamment à travers des entretiens de focus group auprès de résidents et de soignants en EHPAD d’apprécier plus précisément les facteurs favorisant cette appropriation du jardin.

Cette amplification des stimulations sensorielles est décrite dans notre article sur le jardin sensoriel. Il convient dans la conception, la mise en oeuvre et l’entretien d’un jardin de veiller à préserver cette dimension afin de faciliter dans la durée l’appropriation du jardin par ses résidents.

Jardin thérapeutique enrichi

Ainsi donc le jardin thérapeutique enrichi qui est largement décrit et continuera de recueillir nos efforts d’études et de recherches, doit avant tout être un jardin sensoriel.

Cette dimension sensorielle du jardin est également un paramètre qui n’est pas constant, d’une part parce que la perception sensorielle n’est pas une variable constante qui possède une échelle de mesure continue, d’autant que cette perception est plus ou moins altérée suivant les sujets, mais d’autre part, l’environnement au rythme des jours et des saisons ne produira pas les mêmes sons, les mêmes couleurs …

C’est certainement cette différence de stimulation que procure un jardin qui constitue un facteur favorable pour l’appropriation du jardin par le résident. Que dire ainsi du plaisir de percevoir l’odeur de la pierre mouillée par la pluie, le parfum des glycines ou les lumières du soleil sur un massif de graminées qui ondulent dans le vent.

Ce sont l’ensemble de ces interactions volontaires ou subies qui permettront la connexion du résident avec le jardin, et faciliteront alors la participation aux éléments d’enrichissement du jardin.

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