Vers un environnement salutogénique

C’est bien souvent en percevant les méfaits de l’exposition à un environnement délétère que l’homme a pris conscience qu’il devait en prendre soin. L’émergence de pandémies liées à la qualité de l’eau, l’impact de la déforestation sur la qualité de l’air et celui des fumées de charbon dans l’espace urbain, autant d’exemples qui firent prendre conscience aux hommes qu’ils devaient construire avec l’environnement une relation équilibrée. Cette préoccupation environnementale s’est manifestée par l’organisation de conférences mondiales par les Nations Unies.

La première conférence des Nations Unies sur l’environnement, qui s’est tenue à Stockholm en 1972 a abouti à la déclaration suivante: «…/… Nous sommes arrivés à un point de l’histoire où nous devons façonner nos actions dans le monde entier en faisant preuve d’une plus grande prudence quant à leurs conséquences environnementales. Par ignorance ou indifférence, nous pouvons causer des dommages massifs et irréversibles à l’environnement terrestre dont dépendent notre vie et notre bien-être. Inversement, grâce à une connaissance plus approfondie et à une action plus sage, nous pouvons obtenir pour nous et notre postérité une vie meilleure dans un environnement plus conforme aux besoins et aux espoirs de l’homme ».

L’essentiel de cette déclaration commune affirme la nécessité de limiter la pollution de l’environnement liée aux activités humaines. La conférence de Stockholm a souligné les conséquences produites par les pays industrialisés sur les pays en développement.

La construction d’une relation avec l’environnement susceptible d’améliorer la santé humaine est une idée développée par Antonovsky en 1979 à travers sa théorie intitulée Salutogenèse. Alors que les questions de santé publique sont généralement considérées dans le but de prévenir le développement de pathologies (pathogenèse). Antonovsky propose, à l’inverse de cette vision « pathogénique », de mettre en lumière les facteurs qui vont promouvoir la santé des personnes.

La Salutogenèse se fonde sur la quête des origines de la santé. Une question qui induit une notion de cohérence dans la quête du bien-être et de la santé physique et mentale : « it suggests that all salutogenic processes are channeled through a measurable global life orientation »

La théorie de Salutogenèse initiée il y a plus de 40 ans, fait l’objet chaque année d’une actualisation par un groupe de chercheurs en biomédecine, santé publique et sciences sociales, le Global Working Group on Salutogenesis qui opère pour la défense et la cohérence entre la quête du bien-être et la démarche scientifique qui l’accompagne.

Ainsi Becker et al, 30 ans après le développement du concept de Salutogenèse, observent que la diminution des états de santé négatifs associée à la « Pathogenèse » n’augmente pas nécessairement les états positifs.

Ils proposent l’association des deux approches – Pathogenèse et Salutogenèse – afin de créer un environnement physique qui à la fois réduise la survenue des principales maladies chroniques et soutiennent et nourrissent une stratégie de santé et de bien-être.

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Echanges sur le jardin enrichi sur Mosaïque FM

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Jardin et bien-être en EHPAD

Y-a-t-il un lien entre présence d’un jardin et bien-être en EHPAD? La crise sanitaire actuelles et les débats de ces dernières années ont souligné les attentes sociétales relatives à la qualité de vie des personnes âgées. Les enjeux sont multiples et ils sont renforcés par le vieillissement de la génération silencieuse et des baby-boomer, les poly-pathologies et l’augmentation de la dépendance. La qualité des soins, la présence d’un personnel formé à la gériatrie en nombre suffisant, constituent assurément un élément important.

Des études scientifiques sur l’environnement et le bien-être

La contribution de l’environnement à cette qualité de vie a été déjà largement soulignée par les travaux de recherche conduits par de nombreux universitaires issus de la santé, de la santé environnementale, du design architectural.

Les éléments qui émergent de ces études soulignent l’importance que peut jouer l’environnement, qui parfois loin d’altérer les capacités des résidents, comme il le fait parfois, participe lorsqu’il est adapté à la préservation voire la restauration de ses facultés.

Il convient d’ajouter qu’il n’existe pas un modèle architectural idéal pour l’ensemble des syndromes gériatriques et que celui-ci dépend en partie des fragilités des personnes. La description de ces architectures idéales devra se soumettre également aux contraintes budgétaires et réglementaires de ces établissements, ce qui risque d’en retarder la mise en oeuvre effective.

D’autant que tous les facteurs de l’environnement bâti en lien avec la santé nécessitent d’être précisés par des recherches complémentaires.

Jardin et bien-être en EHPAD

Le jardin thérapeutique enrichi ne souffrant pas des mêmes contraintes peut constituer une solution pertinente non seulement par la plus grande facilité à le mettre en oeuvre, mais aussi par la démonstration qui a été faite de sa participation positive à la santé.

Mettre en oeuvre un jardin thérapeutique enrichi dans un EHPAD disposant d’un espace extérieur suffisant constitue une réponse incontournable en particulier pour les établissements où cet enjeu de bien-être fait l’objet d’une criticité et d’une urgence particulière.

Jardin et bien-être en ehpad

 

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Améliorer la fréquentation du jardin

Améliorer la fréquentation du jardin thérapeutique enrichi

Comment améliorer la fréquentation du jardin: Le jardin enrichi ne peut être thérapeutique que s’il est fréquenté régulièrement. Bien des jardins en EHPAD restent malheureusement vides. Nos efforts se sont concentrés pour favoriser une visite régulière du jardin. Plusieurs études ont clairement mis en évidence que la fréquentation du jardin était directement liée aux facilités d’accès.  On citera à ce titre la survey study (enquête) menée par J Cohen-Mansfield auprès de 320 EHPAD (nursing homes) aux Etats-Unis. Il apparaissait que le fait de ne pas laisser le jardin en libre accès pendant la journée, était un facteur d’aggravation des troubles du comportement (troubles anxieux, agitation, agressivité…). Il convient donc de:
  • limiter la présence de digicodes pour ouvrir les portes
  • préférer des portes coulissantes à ouverture automatique (lorsque les portes sont un peu lourdes les résidents éprouvent des difficultés à les ouvrir par eux mêmes)
  • éviter l’obstacle former par des seuils de porte. Parfois légers, ils suffisent à rendre difficile le passage des roues d’un fauteuil roulant ou d’un déambulateur.
  • ne pas exiger que le résident soit accompagné pour sortir
  • rendre le jardin visible et attrayant depuis l’intérieur
  • offrir dès que cela est possible un accès direct au jardin depuis les chambres des résidents

Mesurer et optimiser le rythme des visites du jardin thérapeutique enrichi

La fréquentation régulière d’un jardin en institution médico-sociale est associée à la notion d’invitation permanente que celui-ci exerce sur les résidents.

Nous avons mis en place des systèmes de mesure en lien avec les travaux du LEPS (Laboratoire d’Education et Pratiques en Santé) pour évaluer :

– le nombre de résidents en EHPAD fréquentant le jardin

– la fréquence par chaque résident au cours d’une semaine et sur un rythme trimestriel

– le temps moyen de séjour dans le jardin par chaque résident au cours d’une sortie

– l’impact des saisons sur la fréquentation du jardin

– l’importance de la distance d’accès au jardin sur sa fréquentation

– l’effet de l’architecture générale du jardin sur sa fréquentation (orientation, surface, disposition, ergonomie)

– l’appropriation du jardin thérapeutique enrichi par le résident

Nous poursuivons ces travaux de recherches. Ils nous ont donné des indications précieuses sur les bonnes pratiques à respecter lors de la conception et de la mise en oeuvre d’un jardin thérapeutique enrichi

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Jardin enrichi et jardinières ergonomiques

Bien souvent l’installation d’un jardin dit « thérapeutique » se limite à l’implantation d’une ou plusieurs jardinières surélevées sur une terrasse au milieu de quelques massifs de lavande et de romarin. Qu’en est-il? Jardin enrichi et jardinières ergonomiques:

jardin enrichi et jardinières ergonomiques

Le choix d’une jardinière surélevée résulte de trois critères principaux :

  • ergonomie
  • usage
  • esthétique

De nombreux fabricants , qu’il s’agisse d’ateliers de menuiserie, d’assemblage bois ou de moulage en plastique ont développé des produits qui peuvent apporter des réponses intéressantes à l’activité de jardinage en EMS. Quelle place donner à ces jardinières dans un jardin et comment les implanter pour les valoriser au mieux.

La Fondation Thrive en Grande-Bretagne qui a fondé l’essentiel de sa démarche sur le principe de l’hortithérapie « Gardening for Health » (Jardiner pour être en bonne santé), a développé dans ce domaine une expertise largement partagée à travers ses activités de formation. Il faut reconnaître que la culture des britanniques les préparent très naturellement à se tourner vers le jardinage.

D’une façon générale, notre expérience – les verbatim que nous avons analysés à la suite d’ateliers de jardinage en EHPAD ou FAM nous invitent à adapter correctement la solution qui pourra être proposée en fonction des populations accueillies. La même adhésion à une activité de jardinage ne s’exprime pas de façon unanime par les résidents et l’ergonomie offerte par la surélévation des ateliers de jardinage n’apporte pas à elle seule la réponse à toutes les attentes.

Jardin enrichi et jardinières: Quelle ergonomie?

Elle constitue bien souvent la préoccupation majeure dans le design de ces « tables » de jardinage. Il s’agit alors de trouver  le bon compromis entre les différents enjeux:

– l’autonomie (enfant, adolescent, adulte, sujet âgé)

– les personnes à mobilité réduite et verticalisée

– celles qui ne se déplacent qu’en fauteuil (fauteuil simple ou  motorisé)

Ces différents éléments vont définir une hauteur du plan de travail, la hauteur nécessaire pour le passage des jambes sous le plan de jardinage, et par conséquent la profondeur de travail de la terre, mais aussi la surface de plantation accessible suivant que l’on est en position debout ou dans un fauteuil.

Il peut-être pertinent en fonction de ces différents enjeux d’ajuster le choix de sa table de jardinage afin d’avoir une solution qui s’adapte à tous. Une possibilité consistant à utiliser une table qui offre une ergonomie différente en fonction des personnes qui l’utilisent. Car la hauteur de travail debout n’est pas nécessairement compatible avec celle d’une personne assise.

L’usage

jardin enrichi et jardinières ergonomiques

Plusieurs articles ont été consacrés sur ce site aux activités de jardinage. Notre suggestion principale est de réserver une partie de ces jardinières à des cultures permanentes  de plantes condimentaires ou aromatiques. Leur cueillette permettra par exemple d’agrémenter l’assaisonnement des plats, et d’utiliser le reste comme un « tableau effaçable ». Sur ce plan de travail on organisera des séquences de jardinage (semis, jeunes plants, récolte) avant de transplanter les végétaux vers un espace potager, un massif ornemental ou des jardinières ornementales. En effet mobiliser ces jardinières, généralement de taille réduite, pendant toute une saison pour récolter des potirons à la Toussaint risque de démobiliser l’attention des résidents.

L’enjeu n’est pas de former des horticulteurs, mais de retrouver ou de partager un plaisir du jardinage entre la manipulation du végétal et de la terre, son observation, son évocation. C’est aussi respecter quelques séquences procédurales et des consignes, tout en offrant la récompense d’un goût partagé (manger des fraises muries au soleil, cueillir des fleurs pour décorer sa chambre…)

Jardin enrichi et jardinières ergonomiques: L’esthétique

Il est observable que bon nombre de ces jardinières ne sont pas des meubles très décoratifs et qu’ils vieillissent plus ou moins bien. La terre y est séparée du sol, si bien que les besoins en arrosage sont plus importants; d’autant que la nécessité de mettre à disposition une terre facile à travailler va privilégier le choix d’un terreau horticole qui se dessèche vite au soleil.

Leur forme, leur implantation n’offre pas toujours une esthétique suffisante pour encourager à leur utilisation. Leur dimension oblige à une activité de grande proximité entre résidents. Alors que certains apprécient le jardin pour y trouver un peu d’isolement vis à vis de la pression de la vie collective.

Une solution que nous avons développée qui tout en préservant l’ergonomie requise, consiste à former un talus ergonomique avec un soutenement en bois, de différentes hauteurs. Cette formule permet d’accompagner harmonieusement le profil d’un terrain.  Cela est l’occasion d’utiliser la terre qui est décaissée lors de la formation d’aller, de disposer d’un substrat plus hydrophile que l’on allègera avec un apport en terreau horticole.

Enfin, il est possible d’aménager le long d’un talus ainsi formé, des espace adaptés pour l’accès aux personnes à mobilité réduite. Plutôt que d’être confiné sur des dimensions réduites, le talus ergonomique agencé sur plusieurs mètres accompagnera la promenade dans le jardin, pourra être alternativement planté de végétaux adaptés à la cueillette (fleurs, fruits) et d’espaces adaptés à l’hortithérapie.

Il convient avant tout quelle que soit la solution retenue de s’assurer que ces espaces ergonomiques de cultures respecteront l’esprit d’un jardin, plutôt que de s’ériger comme un mobilier adapté pour personnes handicapées ou fragiles.

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Jardin thérapeutique et psychiatrie

En hôpital psychiatrique, les pathologies sont souvent multiples et vont chercher leurs racines dans des contextes très diversifiés. La bonne adaptation du jardin est un élément essentiel pour son efficacité. Quel potentiel envisager entre jardin thérapeutique et psychiatrie?

Le jardin est déjà une solution de par ce qu’il offre de nature. il devient thérapeutique s’il participe pleinement au travail des équipes. C’est dans cette démarche participative que fut conçu le jardin thérapeutique d’une UMD (Unité de Malades Difficiles). Cette UMD accueille dans un espace très sécurisé des patients placés là pour des situations de violences aggravées et des conduites addictives mettant en cause des drogues dures.

 

jardin thérapeutique et psychiatrie

La proposition élaborée a résulté d’un travail ciblant:

  • la gestion occupationnelle,
  • les troubles du comportements
  • l’amplification de la simulation sensorielle

avec une vision partagée de recréer un cercle vertueux dans la perception du temps et de l’impact des actions et des gestes mis en oeuvre.

La nature, le végétal que l’on peut intégrer entre ces hauts murs sécurisés, offre cet avantage immense de ne se plier qu’à ses propres règles. On ne peut l’apprivoiser, c’est elle qui vous apprivoise et dicte son rythme. Avec des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, l’apprentissage du temps long n’est pas une nécessité voire même une contrainte à contourner. Il est ici mis en valeur et trouve son plein usage et bénéfice.

La répartition du végétal dans l’espace ne présente pas les mêmes enjeux qu’avec des personnes désorientées en gériatrie, il s’agit de faire un choix logique et de donner un sens visible à l’agencement du jardin.

Les modules enrichissant le jardin sont choisis et adaptés en fonction des objectifs thérapeutiques partagés. Un protocole d’évaluation sur des cycles de 3 et 6 mois permet de mesurer l’efficacité du jardin, d’ajuster la fréquentation et de gérer son évolution.

Ces jardins ont conduit à des mesures de bénéfice dans le cadre d’études longitudinales

portant sur :

  • l’évolution des troubles du comportement
  • la prise en charge médicamenteuse et en particulier les neuroleptiques
  • la gestion occupationnelle
  • le sevrage et les comportements addictifs

Les évaluations mises en place ont donné des pistes encourageantes et produits des résultats très positifs. La taille de la population étudiée n’a pas permis de confirmer la significativité des résultats. C’est pourquoi nous projetons une étude sur un échantillonnage plus significatifs afin de mesurer l’impact d’un jardin en hôpital psychiatrique.

Ces premières évaluations nous ont permis cependant d’avoir une première appréciation sur la pertinence:

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Article The Conversation

Jardin thérapeutique dans The Conversation

Le jardin thérapeutique enrichi : un concept qui ouvre des perspectives pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer

Une publication de Septembre  2021 dans The Conversation

 

 

Le long d’un fleuve, accroché sur une falaise, dans un écrin de verdure, au bord d’un lac, à l’orée d’une forêt, autour d’un palais, surplombant une ville… le jardin inscrit son empreinte mais aussi sa part de rêve. L’imaginaire qu’il inspire dépasse souvent largement sa réalité ; il associe la créativité de l’homme à son admiration pour la nature. Le lieu qu’il occupe emprunte à la magie pour projeter ses reflets sur nos sentiments.

 

Le jardin tremplin de l’imaginaire :

 

A Babylone, les jardins suspendus donnent le vertige et nourrissent le cortège de vertus dont les jardins se sont parés au cours des siècles.

Qu’ils aient été des lettrés dans la Chine du XIème siècle, des moines sur l’Ile de Kyushu au XVIIème siècle, de riches bourgeois anglais au XVIIIème siècle, des amoureux de nature à Chaumont sur Loire, ils ont chacun dans leur culture et leur civilisation, assouvi dans le jardin une quête et une stimulation des frontières de leur imagination.

 

Le jardin médecin ?

Dans son dessein d’éduquer les peuples souvent analphabètes aux dogmes de l’église, celle-ci a confié à chaque plante un message louant des vertus chrétiennes :

  • Le lys par sa blancheur était le symbole de la pureté, de l’Immaculée Conception
  • L’ancolie, aux cinq pétales, était comparé à cinq colombes, et la colombe à l’Esprit Saint
  • Le fraisier, caché parmi les herbes, symbolisait l’humilité ; sa fleur blanche, la pureté ; sa feuille trilobée, la Trinité ; son fruit rouge, la Passion.

Il en fut de même avec l’Islam, qui consacrait ainsi les jardins du « Paradeis ».

De là, à proclamer que le jardin est un docteur omnipotent, les marches sont franchies sans efforts par les amateurs du jardin. Échappant aux exigences des études cliniques, des protocoles d’expérimentation et d’évaluation, le jardin a été consacré médecin sans prendre de précautions quant aux pathologies que l’on pouvait lui adresser, ni aux pratiques thérapeutiques que l’on pouvait lui confier.

Le concept de jardin enrichi

Ce sont les travaux de Donald Hebb (1946), un neuropsychologue de l’Université de McGill de Montréal, qui nous ont inspiré pour explorer cette nouvelle voie.  En plaçant des souris de laboratoire dans un environnement enrichi et stimulant, il a montré que ces souris ont eu des fonctions cognitives, une épaisseur du cortex cérébral et d’autres mesures neurobiologiques améliorées de façon significative par rapport en comparaison des souris ayant un environnement habituel (1).

Des résultats analogues ont été obtenus par la suite sur le modèle murin de la maladie d’Alzheimer (2).

Dans la cadre d’une approche translationnelle, nous nous sommes demandés si les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer pouvaient voir leurs symptômes s’améliorer en fréquentant un environnement enrichi et stimulant.

Émerge alors le concept de « jardin enrichi » : associant la dimension paysagère du jardin au concept d’environnement enrichi et stimulant, que nous avons mis en œuvre dans des Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui avaient parmi leurs résidents une proportion élevée de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer.

Ces jardins enrichis réunissent dans un espace de liberté et de nature des modules d’enrichissement avec les lesquels on souhaite que les résidents interagissent. Par exemple, certains modules comme le cadran solaire cible les troubles d’orientation temporo-spatiale, le chevalet végétal est indiqué pour les troubles cognitifs, et l’espace sérénité est conçu pour être un médiateur des troubles du comportement (agitation, agressivité, anxiété)

 

Le concept de jardin enrichi inverse les codes d’usage de l’architecte ; au lieu de partir de l’environnement pour monter son projet, elle met au centre l’humain. À partir d’un diagnostic sur l’état de santé des résidents ou des patients en institution médicales, elle forme pour eux une enveloppe adaptée.

Au sein du jardin, nos travaux de recherche ont démontré qu’il convenait d’associer des éléments formant la « matière active » du jardin.

La conception de cette « matière active » résulte d’un travail participatif associant des neuropsychologues qui ont décrit l’univers cognitif et comportemental dans lequel vit un patient Alzheimer, des ergothérapeutes qui ont orienté les dimensions d’ergonomie de ces éléments, des psychomotriciens qui ont facilité et guidé la déambulation et les gestes dans le jardin, des gériatres et des artisans qui ont traduits ces besoins en objets concrets.

Ces objets émergent dans le jardin comme s’ils avaient poussé avec lui en quête d’une fusion avec la nature. L’équilibre avec le végétal tend vers une notion aérienne –suspendue entre ciel et terre. Le jeu avec les formes, les reflets et les lumières participent de cette quête.

 

Une étude clinique encourageante vient d’être publiée dans la revue Alzheimer Research and Therapy (3) et a été menée chez des résidents de 4 EHPAD atteints de la maladie d’Alzheimer. Chacun de ces EHPAD disposait à la fois d’un jardin enrichi et d’un jardin classique ayant des accès séparés. L’étude a porté sur 130 résidents atteints de la maladie d’Alzheimer au stade avancé qui ont été répartis en trois groupes.

Ceux du premier (groupe contrôle) n’ont pas été incités à se rendre dans les jardins et de fait, y va très peu. Ceux du deuxième groupe ont été incités par le personnel à se rendre dans le jardin classique quatre fois par semaine. Ceux du troisième groupe ont été incités par le personnel à se rendre dans un jardin enrichi .

Les participants ont été suivis pendant six mois et leurs capacités cognitives globales, leur autonomie fonctionnelle et leur risque de chutes ont été évalués par des outils classique de l’évaluation gérontologique(4) .

Nous avons observé des différences significatives de l’évolution de ces paramètres entre les groupes. Les résidents incités à fréquenter le jardin enrichi ont eu des capacités améliorées par rapport à celles mesurées six mois plus tôt, alors que chez les résidents des deux premiers groupes (contrôle et jardin classique), il était noté un déclin identique au cours des six mois de suivi.

Bien que cette étude comporte plusieurs limites, elle nous encourage dans cette voie pour étudier plus finement les effets d’environnements enrichis pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Nous envisageons un essai clinique où la fréquence et la durée des interactions entre les résidents et les modules d’enrichissement pourront être mesurées. Il reste aussi à mieux comprendre comment la fréquentation des jardins enrichis peut avoir des effets positifs et comment des dynamiques d’appropriation opèrent pour certains résidents ou encore pour d’autres acteurs de l’établissement comme les personnels ou les visiteurs.

La poursuite des efforts de recherche est donc pleinement justifiée pour permettre au jardin enrichi de prendre une véritable place dans le parcours du patient Alzheimer en institution. Le concept de « jardin enrichi » est lancé.

Face aux maladies chroniques, la nature joue la carte du temps. Elle apaise un peu, restaure parfois, soulage encore. Les politiques de santé publique se doivent de respecter cet équilibre, où chaque homme s’engage à une observance au profit de sa propre santé et de celle de ses proches.

Il ne s’agit pas là d’une question de croyance, il s’agit davantage de construire un équilibre vertueux avec notre environnement. Puisque le jardin est une œuvre humaine nichée dans la nature, nos explorations sur le jardin enrichi nous apprennent qu’il faut prolonger nos intentions par une approche scientifique. Ainsi, la nature deviendra effectivement thérapeutique.

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