Jardin thérapeutique enrichi en EHPAD: Le rôle de l’environnement physique
Le jardin thérapeutique enrichi en EHPAD est un enjeu important lié à l’évolution des populations qui y sont accueillies. L’allongement de l’espérance de vie entraîne une forte augmentation du nombre de personnes très âgées, fortement touchées par des maladies chroniques, des polypathologies et des maladies neurocognitives.
Une proportion importante d’entre elles vit dans des institutions gériatriques. En Europe, on estime que 3 millions de personnes âgées vivent en EHPAD ou équivalent (Cushman et Wakefield 2019) en raison d’une perte d’autonomie fonctionnelle et/ou de handicaps liés à des troubles cognitifs, principalement liés à la maladie d’Alzheimer.
Il y a donc un défi important pour ces institutions gériatriques à offrir une gamme de services de soins qui répondent à la fragilité croissante de leurs résidents, tout en offrant un cadre de vie qui compense utilement l’abandon de leur domicile.
A cet égard, l’environnement a été régulièrement mis en avant comme un facteur important de qualité de vie, de bien-être et de santé. De nombreuses publications ont souligné l’effet majeur de l’environnement bâti pour répondre à cette préoccupation (Day et al., 2000).
L’environnement physique est essentiel tant pour offrir un cadre de vie agréable que pour atténuer les troubles et les déficiences liés à l’âge. Le rôle de l’environnement physique sur la santé a été largement exploré par la recherche scientifique, notamment dans les études sur le modèle animal.
Des recherches scientifiques récentes améliorent nos connaissances
Dans des travaux pionniers, le neuropsychologue D. Hebb (Hebb, 1947) a réalisé des études d’intervention et constaté qu’un enrichissement de l’environnement permettait d’améliorer les capacités cognitives des souris.
En outre, il est apparu que cette intervention produisait des effets neurobiologiques, en particulier une meilleure capacité fonctionnelle, des connexions neuronales et une réduction de l’anxiété (Görtz et al., 2008).
Suite à ces travaux, des expériences similaires ont été menées sur des souris transgéniques soutenant que l’enrichissement de l’environnement réduit le stress psychologique par rapport à un environnement appauvri (Larsson et al., 2002), ou module fortement la génération d’Aβ (peptides bêta-amyloïdes) in vivo et son impact sur la fonction du système nerveux des animaux atteints de la maladie d’Alzheimer (Jankowsky et al., 2005).
La prévalence de l’épuisement professionnel des soignants, la lutte difficile contre les grands syndromes gériatriques font de la santé et de la qualité de vie des personnes âgées un enjeu majeur qui questionne également l’environnement de l’EHPAD (Havreng-Théry et al., 2021).
Alors que la recherche en santé environnementale se développe, la réalisation d’essais contrôlés randomisés sur des humains, et principalement des personnes âgées, reste critique tant pour des questions éthiques que techniques (Resnik, 2008).
Nous nous demandons donc si l’environnement physique pourrait également influencer la santé des humains vivant en EHPAD.
Par conséquent, nous nous demandons si ces efforts de recherche ont abouti à la conception d’un environnement idéal et si cet environnement a démontré des avantages clairs pour la santé et le bien-être des résidents (Flood, 1995) .
La revue de littérature scientifique que nous avons conduite, en utilisant une équation de recherche ciblée sur l’ensemble des bases de données médicales internationales, a permis de mettre en évidence quelques conclusions intéressantes relativement au rôle de l’environnement sur la santé et le bien-être des résidents.
Le jardin thérapeutique enrichi
Le jardin thérapeutique enrichi y apparait comme étant un des espaces les plus favorables tant dans l’amélioration de la qualité de vie, la satisfaction des aidants, que la restauration ou la préservation des capacités existantes.
Il faut noter toutefois que la question de la facilité d’accès au jardin est un élément important. Il faut que le jardin soit visible et éviter les obstacles pour y parvenir ( verrouillage de portes, ouverture difficile…), au risque de développer un sentiment d’anxiété et de l’agitation.
La lumière et le son
Deux facteurs importants se révèlent également à travers cette étude: la lumière et le son.
La fréquence et l’intensité de la lumière, ainsi que la possibilité de bénéficier régulièrement d’un éclairage par la lumière naturelle, sont des éléments à bien ajuster afin de faciliter l’engagement dans des activités, réduire l’apathie et les troubles du comportement.
De même, un éclairage adapté dans les espaces de restauration, se révèlent déterminants pour favoriser la convivialité leur de la prise des repas.
Des éléments qui ont été mesurés par un meilleur IMC (indice de masse corporelle) et une amélioration des indicateurs de qualité de vie (DemQoL) et le meilleur respect du rythme circadien.
Le son y est relevé particulièrement comme une nuisance lorsqu’il s’agit d’une réduction du bruit, qui affecte l’agitation et la qualité de vie. Par contre, la présence de musique en fond sonore ne participe pas d’amélioration des indicateurs de santé ou de qualité de vie.
La dimension des EHPAD en question
Etonnamment, la dimension des EHPAD avec la tendance actuelle à développer le concept de maisonnée accueillant 8 à 12 résidents, comparée à des configurations traditionnelles ne produit pas systématiquement un bénéfice mesurable sur la qualité de vie, le bien-être et la santé des résidents.
Dans certaines études, ce concept d’architecture de « petite taille » y est favorable, dans d’autres, aucun différence mesurable n’y est observée.
Il convient donc d’apprécier cette évolution avec nuances. Sans doute en lien avec l’ensemble des facteurs en jeu dans le quotidien de la vie en EHPAD, en particulier le rôle des soignants, le design général et la dimension culturelle.
Favoriser la rénovation intérieure centrée sur le résident
La rénovation d’un établissement, ou d’une partie de l’EHPAD avec une approche centrée sur les attentes du résident produit régulièrement des effets bénéfiques. Il s’agit souvent d’aménagements simples et bien pensés qui permettent d’effacer un peu la dimension hospitalière de l’architecture intérieure.
S’agissant d’augmenter la pénétration de la lumière naturelle, l’introduction de végétale, la peinture des murs ou la décoration intérieure. On observe dans les études concernées, des bénéfices sur la fréquence et la durée des interactions entre résidents et par conséquent de la sociabilisation, ainsi que la réduction de l’agitation.
Les études sur les salles multi-sensorielles (Snoezelen) ne révèlent pas de bénéfice sur la santé
Enfin, l’ensemble des études recensées relativement à l’usage de salles multi-sensorielles (telles que des espaces Snoezelen), révèlent l’absence de bénéfices mesurables sur la santé des résidents. Les études interventionnelles conduites avec des protocoles robustes ne parviennent pas à mettre en évidence des avantages mesurables de la fréquentation régulière de ces espaces par rapport à un groupe contrôle. Et cela en particulier pour des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer.
En conclusion
Cette petite synthèse présentée ici, confirme cependant que :
- l’environnement physique joue un rôle significatif sur la santé et la qualité de vie en institution gériatrique
- de nombreux paramètres rentrent en jeu et il convient en conséquence de concevoir les EHPAD en plaçant le résident au coeur des préoccupations
- les EHPAD ont souvent été conçus avec des enjeux financiers et règlementaires importants, oblitérant trop souvent la qualité de vie du résident
- le développement des connaissances scientifiques encouragent à la valorisation de cette expertise. Il s’avère que la mutualisation de ces connaissances souligne les effets néfastes qu’un environnement appauvri peut produire. Des efforts continus doivent être poursuivis pour améliorer la conception des EHPAD, si tant est que le. concept de l’EHPAD tel qu’il existe aujourd’hui doive être préservé ?